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Fred Debros HB9AET, 19 ans, Uqd, Yemen, 1963
Cela faisait longtemps que je la recherchais cette photo car
Fred Debros HB9AET
(de son nom complet Bros de Puschredon) et
Willy Buff HB9YG, ont été les premiers opérateurs radioamateurs du CICR à
partir en mission. Je l'ai retrouvée dans mes archives mais j'en ignore la
provenance.
Les commentaires de Fred
C'est bien moi, à Uqd en 1963, au Yemen. J'avais 19 ans.
Mission: 10 mars à octobre 1963
avec Willy Buff HB9YG
Derrière moi, à gauche, un émetteur-récepteur
(TMC?) que nous avions reçus du colonel Erwin Beusch HB9EL, très sympa, un ami
de mon père. Il avait 2 tubes 813B au final mais ses relais faisaient
beaucoup de bruit et son récepteur general coverage, une pâle copie d'un
Hammarlund, n'était pas extraordinaire. L'utiliser nous aurait obligé d'écouler
notre trafic par Le Caire. Je me souviens de l'avoir enterré en 1965 ou 6 et
gardé les deux 813B pour Kurt (HB9ET)...
C'est donc l'équipement personnel de Willy que nous
utilisions pour le trafic. Un récepteur bandes amateurs
RME 6900, au centre de la
photo, surmonté d'un TOS-mètre
Heathkit HM-11. Et un émetteur AM-SSB-CW
Heathkit Marauder HX-10, un des
meilleurs de sa catgorie à l'époque. Tout à droite on voit le manipulateur mécanique Vibroplex.
Hôpital de campagne d'Uqg
Article dans l'Old-Man
Old-Man 4/1964 (original en allemand)
Deux opérateurs dans
le désert
HB9YG/4W et HB9AET/4W
A gauche Fred Debros, HB9AET, l'auteur du reportage
et à droite Willi Buff, HB9YG, très connu sous le call d'HB9YG/MM.
Toute
l'histoire a commencé pour nous avec un télex reçu à l'école de recrue, recherchant deux opérateurs radio pour une expédition au Yemen:
Wir suchen noch einen Funker der
bereit waere für das Ikrk in Yemen eine Mission zu machen
Le Yemen ? Aucune idée où c'est !...
Nous partons donc de Frobourg pour Berne pour livrer deux
tonnes et demie de matériel radio, du porte-fusible au tube 813 ainsi que toutes
les pièces de rechange nécessaires. Une semaine plus tard nous étions sanglés
comme des haltérophiles dans un Boeing
DC-4 Globemaster, en route pour Tripoli (Libye). A la
Wheelus
AirBase, l'appareil a été rempli jusqu'au cou de kérosène afin de pouvoir
supporter un long voyage dans le désert. Nous avons ensuite continué jusqu'à
Khartoum, au Soudan. Comme nous n'avions malheureusement pas de visas, nous
n'avons pas pu dormir à l'hôtel, ce qui nous a obligé à passer la nuit dans
l'avion.
Tandis que Willy "sciait du bois" couché sur un lit fait de 30 brancards,
menaçant de les faire tomber, j'ai passé la nuit avec
les jeunes Américains à remplacer un des moteurs du
Globemaster avec ses 36 bougies, un travail de titan! Incroyable de voir ensuite
le panneau s'allumer avec toutes les indications. Sans oublier de compter les
outils, très important , histoire de crash à cause d'un tournevis égaré!
Le lendemain nous avons continué vers
Djeddah, Arabie Saoudite, où l'opérateur radio de l'ONU nous attendait. Il
était en train d'acheter des légumes lorsqu'il a vu notre "oiseau" se poser.
Il nous a fallu une semaine à coup de litres de Coca-Cola et de cornets glacés, en plus de la climatisation, jusqu'à ce nous soyons vraiment
opérationnels.
Il a fallu ensuite une semaine pour nous rendre, en compagnie du reste de
l'équipe, d'abord à l'oasis de Najran, à la frontière entre
l'Arabie Saudite et le Yemen, par avion Balair. Puis transportés en camions "tape-culs"
jusqu'à Uqd. Ce nom n'est pas un nouveau code Q mais celui d'une
ancienne colonie située sur la zone frontière nord, entre le Yemen et l'Arabie
Saudite. L'ONU (Organisation des Nations Unies) y est
installé et la zone est rendue neutre de ce fait, mais relevant tout de même de
l'autorité yéménite.
Après ces premières épreuves ont commencé 14 jours de travail
à l'air libre, sans abri. Par bonheur cela s'est rapidement amélioré avec le
montage de notre propre tente radio dans laquelle nous avons pu installer nos
équipements. Nous avons passé deux jours à transformer de vieilles caisses en
mobilier et le grand moment est arrivé. Willy a pressé le gros interrupteur. La
lumière s'est allumée et 4U1ITU, opéré par HB9UD, a répondu à notre premier
appel. D'autres stations ont suivi, pour notre plus grand plaisir. Il est vrai
que nos indicatifs "exotiques" HB9YG/4W et HB9AET/4W nous ont bien facilité les
choses.
Nous avons tous les jours du trafic avec la Croix-Rouge à
Genève ainsi qu'avec Djeddah où l'ONU concentre les messages. Nous sommes souvent
QRV dans les bandes amateur à la recherche de stations suisses,
généralement vers midi et le soir, sur les fréquences suivantes:
7020, 14080,14125, 21080 et 28125 kHz. Nous sommes facile à contacter car nous
arrivons très bien en Europe si on en juge par les bons rapports que l'on nous
donne. L'équipement de HB9YG est un émetteur
Marauder
et un récepteur
RME 6900.
Nous recevrons bientôt un transceiver
Hallicarfters SR-150.
Les antennes sont tendues à une hauteur de 18 mètres et consistent en un
dipôle de 2 x 5 mètres et un autre de 2 x 10 mètres, c'est tout!
Cordiales 73 aux OM suisses et hpe cu
agn.
Fred HB9AET
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Photo prise
en 1964 depuis le rocher où
Willy et Fred avaient construit
un phare avec des ampoules à incandescence et
de gros
condensateurs pour, le soir,
indiquer la direction et
communiquer sommairement en morse visuel avec les camions
d'eau. Nous n'avions pas de VHF
(radios à courte distance). En
bas de la photo se trouve le garage et tout à gauche
le village.
Un jour, le
camion n'est pas rentré et nous
sommes partis à sa recherche en
Toyota. En observant la balise à
la jumelle, je la vois émettre
"QTP, QTP". Moi qui croyait
connaître tous les codes Q, je
réponds, les phares en direction
d'Uqd, "QSL" et on
continue les recherches pendant
des heures. C'était une farce
stupide que les chauffeurs s'étaient
amusés à nous faire!... |
Au
total, Fred fera 4 missions pour le CICR:
-
1963,
10 mars-octobre, avec Willy Buff HB9YG
à l'hôpital de campagne d'Uqd
Retour en Suisse et retour au Yemen. Du
11 novembre au 31 janvier 1964 toujours
à Ukd
On le voit sur la photo en compagnie de
Willy Buff HB9YG et LA2SMA, opérateur
radio de l'ONU. C'était la première
liaison radio avec l'ONU à Gaza.
L'émetteur-récepteur était alimenté par
une génératrice à main (la fameuse
gégène des Français).
-
1964,
6 mars-27 août, à Najran, avec Max Buergin
et Regula Allgoewer etc.
-
1965,
16 juillet - 12 novembre à Najran mais
aussi Djeddah. Trafique ham
avec le call 4W2AA
Sa licence et sa QSL ►►►
Les consignes reçues pour le trafic à Ukd
avec le call CICR 4WAZ
Il a utilisé
successivement les indicatifs HB9AET/4W,
4W1C, 4W2AA, HB9AET/HZ
et 7Z1AA.
Durant ses derniers
séjours, il a participé à plusieurs
contests:
Fred chez FL8AA à
Djibouti en 1965, après la fin de sa
mission.
Le shack pro et
amateur, dans la tente à Uqd
HB9AET/4W en décembre 1963: log du trafic depuis Uqd, avant
d'avoir reçu sa licence 4W1AA
-
1967.
1 juillet-26 août dans le désert du
Jauf Ibn Nasir (zone bédouine), dans une grotte
à 750 km au sud de Najran.
Le 26 août, entre
El Boa et Hazm, il reçu une balle
tirée par un Bédouin dans son bras
gauche lors d'une
embuscade et a dû être transféré
d'urgence à Djeddah
puis rapatrié en Suisse. Il a ensuite
été soigné à l'hôpital de Liestal.
Couché, Fred, blessé, en
attente de son rapatriement
"Finie la rigolade!". Après son
rétablissement, Fred a repris ses études de
médecine et a passé son premier propet. En
1974, diplôme de médecin en
poche, il quitte la Suisse pour les USA et
s'établit près de Boston. Reçoit l'indicatif
K1HB, qu'il a toujours aujourd'hui,
mais ne trafique plus. Actuellement il est
en bonne santé, à la retraite dans sa ferme
et s'occupe de ses vaches, ânes et canards
qui lui tondent ses 5 hectares de champs.
Ses trois enfants sont grands et sont à leur
compte. Il a 3 petits-enfants.
Durant toute sa carrière,
il a lutté pour qu'il ne soit pas vu comme
handicapé du bras. Il a donc acquis une
dextérité d'une seule main qui
dépassait la moyenne, tout en évitant les
situations où disposer de ses 2 mains était
indispensable. Jusqu'à ce que les
régulations le rattrapent et les gestes les
plus simples lui soient devenus difficiles,
comme par exemple, enfiler des gants
stériles pour poser des veines à un patient.
Là son métier s'est compliqué et
il a pris une retraite anticipée. Il a
terminé sa carrière comme professeur
émérite, après une licence sur la Ritaline.
Cette aventure a marqué positivement sa vie et il n'a pas de
regrets, sauf peut-être celui de n'avoir pas pu l'évoquer plus souvent en
famille (Red: comme nous tous je pense).
Article de Fred dans la revue de l'IARC
Références
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