On "frise le code" au Liban
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1985
Voilà, le Liban est toujours agité et je suis, cette fois, basé à Beyrouth pour 2 mois. Les journées , routinières, se passent, le matin avec les croissants chez Knechtle, la pâtisserie suisse, et à midi chez Otto, la taverne suisse également. On entend des tirs sporadiques mais rien d’extraordinaire.
Les liaisons HF (Hautes Fréquences, les ondes-courtes) avec HBC88 (le Siège à Genève) se font en mode crypté avec un SR210 comme transceiver, tandis que la liaison avec Damas se fait en phonie. Le reste du pays, en liaison VHF (Very High Frequency, très hautes fréquences, vers 150 MHz en modualtion de fréquence), Tripoli, Saida et Tyr (photo ►). De temps à autre une excellente communication avec Ksara dans la vallée de la Bekka à travers la chaîne du Mont Liban qui s’élève à 3000 mètres, typiquement une réflection à quelque part. Beaucoup de matériel de communication s’est accumulé ces dernières années: émetteurs-récepteurs VHF, antennes verticales en fibre de verre (Andrew) d’une longueur de 6m en un seul morceau, pas très pratiques pour le transport en Landcruiser, des yagis (Wipic), des amplificateurs VHF de 50 à 200 Watts, des rouleaux de câble coaxial d'un demi pouce de diamètre de type Heliax (sans les fiches correspondantes). Les véhicules sont équipés de stations Autophon SE-20 fixées dans des dockingstations et équipées d'un ampli de puissance, antennes 5/8ème, souvent mal accordées, ce qui conduit à un taux d'ondes stationnaires mortel pour l’ampli. Donc, un grand travail d’entretien
Mon prédécesseur m'avait laissé un projet à finir. Il avait fait fabriquer un mât de 30 mètres de haut en acier, en 3 tronçons, avec un triangle de base de 3 mètres. Ces 3 pièces étaient destinées à Tyr pour améliorer la liaison VHF Beyrouth-Tyr. Mais le fabricant, un radioamateur libanais, était à Jounieh, de l’autre côté du front et à Tyr, toujours occupée par l’armée d’Israël, avec un checkpoint à la rivière Litani. Il fallait traverser 2 frontières avec 3 camions de tronçons de ferraille de 10 mètres chacun. Les négociations faites, nous arrivons à Tyr. Je commence à réfléchir comment monter ces 3 morceaux sur le socle déjà existant. Le fabricant, absent, m’avait expliqué comment le faire facilement, selon lui, en utilisant des fers à béton en guise de charnières.
"Avec des tracteurs et des câbles, tu tires le mât de 30 mètres assemblé vers le haut tout en le retenant de l’autre côté, avec des câbles également, afin de le retenir lorsqu'il sera vertical". Ca me semblait dangereux, surtout pour la délégation qui se trouvait en dessous, la fameuse guesthouse sur la belle plage. L’accident me semblait programmé d'avance. Mais il me vint à l’esprit que la mission UNIFIL à Nakoura avait des hélicoptères pilotés par des Italiens. Ils seront certainement heureux de nous soulever le mât, morceau par morceau.
La demande était acceptée et les hélicos Bell UH1 présents. La première partie montée, je reçois un appel urgent de notre cheffe à Byrouth, très fâchée, "Comment se fait-il que tu fasses voler des hélicoptères au Sud-Liban sans autorisation des Israëliens? C’était moins une qu'ils ne les abattent". Innocent et trop fier de mes hélicos, je dus abandonner le projet et finalement rentrer à Byrouth oû je me fis encore abondamment incendier. J’appris plus tard que ce mât avait finalement été monté à l'aide d'une grue et, sur une photo, je vis une antenne quart d’onde au sommet, utilisée pour la communication avec Beyrouth, un sacré gaspillage pour un tel "monument"!
Vers la fin de ma mission, tranquillement assis au bureau de Beyrouth, nous sommes soudain réunis par la cheffe de la délégation qui nous avertit de ne pas rentrer dans les résidences, situées dans un immeuble, car il y a un gros problème: nos appartement aux deux derniers étages ont été mitraillé avec des canon de 12.7mm. Plus tard, dans la soirée, le feu vert pour rentrer est donné et avec une certaine appréhension nous allons découvrir les dégâts. Chez moi, au dernier étage, les balles avaient traversé l’appartement, entrées par les grandes baies vitrées et ressorties de l’autre côté. Certaines avaient fini dans les murs en laissant de grosse taches. Une balle avait même transpercé mon lit.
Les malfaiteurs tiraient depuis l'immeuble d'en face afin de pouvoir passer au-dessus du nôtre et d’atteindre la cible située plus loin. Ils avaient visé un peu trop bas, ça peut arriver (sic), ce n'était pas trop grave! Mais si j'avais été présent, je ne serais probablement plus là pour en parler...
Peter Kunz HB9MCL
Mission à Beyrouth du 26 novembre 1985 au 25 janvier 1986
Référence
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